vendredi 29 octobre 2010

chronique d'un préjugé ordinaire...

Cette semaine, il s'est produit quelque chose de très amusant... Alors que je me ronge les sangs (certains le savent) parce que j'ai de plus en plus de mal à supporter les préjugés et le racisme de tous les jours, les petits commentaires sournois et la haine latente, Lionel écrit cette semaine un article exactement sur le même thème ! Il faut croire que au bout d'un certain temps au Brésil, le spectateur ne peut que se trouver confronter à une réflexion sur le thème racial. La belle démocratie raciale tant vantée par les femmes et hommes politiques, la vie en communauté où la couleur de peau n'importe pas, le beau pays métisse... tout ça c'est du flan !

En réalité les femmes noires gagnent 45% de moins que les femmes blanches à travail égal, le public des écoles publiques et privées n'est absolument pas le même, les habitants des favelas ou des "vilas" ne sont pas non plus les mêmes que ceux des quartiers chics, on ne trouve que des blancs en traversant l'université, et que des indiens et des noirs (ou presque) parmi ceux qui mendient en centre-ville... Cela a déjà de quoi retourner l'estomac de n'importe quelle personne censée, mais quand en plus on entend les petits commentaires racistes à répétition, on a carrément envie de rendre sa fejoada !
La semaine dernière j'ai commencé un petit jeu avec moi-même : je compte tous les jours les préjugés que j'entends... Pour l'instant mon maximum est 12, mais je ne compte pas de bonus pour les trucs vraiment énormes !
Cela va de "les cariocas ne pensent pas" à "ces noirs qui se lèvent tard, car de toute façon ils ne travaillent pas"...

Enfin voilà une petite brochette de ce qui me concerne plus particulièrement... En effet, en général la première question des gens est de me demander ce que je fais au Brésil, et après ma réponse j'ai souvent une sympathique première impression de mon interlocuteur.

Le vendeur de mon téléphone portable "Les indiens ? Ça ne sert pas à grand chose, de toute façon ils vont disparaître."

Ou "Tu travailles avec les indiens ? Mais où ça ? Ici à Porto Alegre, mais il n'y a pas d'indiens ?! Les indiens sont dans la forêt amazonienne, tout nus avec leurs flèches et leurs arcs !!"

Ou encore "les indiens à Viamão (banlieue de Porto Alegre), ils ont plus de terre que tu ne peux l'imaginer (en réalité je ne me contente pas tout à fait de l'imagination dans le cadre de mon stage mais c'est un détail), et pourtant ils n'en font rien, ils ne cultivent pas, et à la place ils campent sur le bord de la route.".

Ou bien "Haha ! Alors comme ça tu travailles avec les indiens ?? La prochaine fois on te voit arriver bariolée sur le visage et avec un os dans le nez ?"

Ou alors "Ah, bon, il y a des indiens à Porto Alegre ? (il suffit d'ouvrir les yeux, mais c'est plus facile de ne pas voir les gens qui sont différents, ou qui sont pauvre, ou qui gênent d'une façon ou d'une autre...)".

Ou encore "Pourquoi est-ce qu'on leur donnerait de la terre, alors qu'ils ne savent même pas planter un plant de maïs ?" (Je ne vous rappelle pas d'où vient le maïs, et qui l'a fait découvrir aux européens...).

Voilà, ce n'est qu'un échantillon et je me suis concentrée sur les indiens, mais j'aurais la même chose sur à peu près n'importe quelle couche de la population ("Il était homosexuel assumé, alors il a attrapé le Sida !").

Pas très facile à vivre au quotidien... Heureusement plein de belles rencontres en compensation !

PS. j'en profite pour souhaiter un joyeux anniversaire à ma Maman, et rajouter quelques vaches au panorama !

5 commentaires:

  1. On dirait que les gens vivent dans des mondes parallèles alors qu'ils se côtoient tous les jours.
    Ton article est très intéressant, merci de nous faire part de ces remarques que tu entends au quotidien, ça doit vraiment pas être facile!

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  2. Wouaw. Cette brochette paraît surréaliste tellement ces paroles sont baignées de clichés et d'ignorance.
    Je n'ai pas eu l'occasion d'entendre autant d'horreurs (quoique j'en ai certaines qui valent leur pesant de cacahuètes), peut-être parce que je ne fréquente pas le même milieu (ici universitaire), et que la région est plus métissée.
    Par contre je retrouve parfaitement tout ce que tu décris dans ton deuxième paragraphe. Et c'est notamment ce qui me choque : ce mélange d'optimisme nationale, de joie "naturelle" affichée et à côté toutes ces inégalités dont il faudrait être schizophrène pour ne pas les remarquer.

    En tout cas entendre des gens de la ville qui ignorent qu'il y a des indiens à Porto Alegre est particulièrement flippant... Je te souhaite bon courage en tout cas, je suis certain que tu rencontres aussi des gens formidables.

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  3. Faut parfois pas aller si loin pour être confronté à ce genre de personnes... T'as entendu parler de Guerlain ces derniers temps??

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  4. En fait, c'est comme un western dans lequel il y a des cow boy et des indiens mais les indiens sont invisibles ou alors le film adopte seulement la vision des cow boy. ça c'est le film, c'est comme Guerlain, c'est à la télé.
    Dans le vie aussi ça arrive mais finalement pas si souvent car on évite de les rencontrer ces gens là, sauf dans un univers où on ne sait pas où ils se cachent...
    FW

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  5. ça me rappelle quelques réflexions dont je t'avais parlé, entendues en Chine au sujet des Japonais...
    -soupir- on est pas sortis de l'auberge!
    Agathe

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