mardi 30 novembre 2010

30 millions d'amis...

Yguaçu (toujours), et ses habitants.
J'aurais pu recadrer pour faire des photos de plus près et tout ça, mais il se trouve que j'ai eu d'autres choses à faire et donc vous pouvez toujours cliquer sur les photos pour les avoir en plus gros !




Un coati (du Guarani, Coa, long et Ti, nez). L'art de se compliquer la vie à apprendre des langues...






Yguaçu

Yguaçu: Du Guarani Y (eau) et Guaçu (Grand). Littéralement Grandes eaux.
(Ça me rappelle certains élèves d'arabe qui s'émerveillaient devant la devanture des Kebabs lyonnais...).

Comme on me l'a fait remarqué, mon blog a été assez irrégulier ces derniers temps.
Il est vrai que les voyages "professionnels" et personnels n'ont pas contribué à mon assiduité, mais je me dois de remettre un peu d'ordre dans tout cela !

Commençons donc par le week-end du Novembre, que j'ai passé en la compagnie de deux amies de Sciences-po, j'ai nommé Bérénice, qui fêtait ses 20 ans ce week-end là, et Claire.
Les chutes d'Yguaçu (oui, je l'écrit volontairement avec un Y, pour une graphie plus Guarani ;-) ) sont fidèles à leur réputation : absolument grandioses. Sur 2,5 kilomètres, les chutes d'eau se succèdent... Apparemment, et si mes souvenir sont bons les chutes déversent l'équivalent d'une trentaine de piscines olympiques en une minute.



Comme on obéit au guide et qu'on voulait pas faire de jaloux, on a fait un jour côté brésilien et un jour côté argentin. En réalité, il faut être honnête les chutes sont plutôt du côté argentin, mais du coup je trouve que le point de vue est beaucoup plus beau côté brésilien. Par contre du côté argentin on surplombe les chûtes d'en haut et wahou, il ne faut pas avoir le vertige (Héhé...). Donc, comme vous l'aurez compris, en 3 jours on a remplit notre passeport de tampons à faire mumuse à passer d'un côté et de l'autre ! Le Paraguay se trouve quelques dizaines de mètres en contrebas des chûtes, donc il n'a accueilli que Claire et moi (Bérénice ayant encore quelques formalités de partiels à finir !) pendant quelques jours la semaine suivante, mais c'est une autre histoire !


Le seul point noir que nous ayons pu trouvé à ce week-end : le temps perdu à chaque passage de frontière (il vaut mieux bien s'organiser pour la passer le moins souvent possible), et surtout la conception assez particulière que les brésiliens et les argentins peuvent avoir du "parc naturel"... Je dois reconnaître avoir eu une petite pensée émue pour ma petite Vanoise adorée en voyant les sentiers en ciment, les buvettes tous les 100 mètres, et les passerelles installées au milieu des chutes, certes très impressionnantes, mais pas terribles pour le paysage !

Pour voir de l'eau...
http://www.blogger.com/video-play.mp4?contentId=307f26d904e24f6d&type=video%2Fmp4

mardi 2 novembre 2010

Nhanerãmoi'i karai poty



Je vous ai trouvé les parole sur internet, mais il y a des modifs par rapport à la version audio, tradition orale oblige !

Amba’i jareko
Nhanderopy’i re
Nharombaraete Karai Poty

Nhaneramoi’i tenonde gua’i
Nhaneramoi’i tenonde gua’i
Mbaraka jareko
Nhanderopy’i re
Nharombaraete Karai Poty

Nhaneramoi’i tenonde gua’i
Nhaneramoi’i tenonde gua’i
Mborai’i jareko
Nharombaraete Karai Poty
Nhaneramoi’i tenonde gua’i
Nhaneramoi’i tenonde gua’i

Espoir et Désespoir

Voilà un texte que j'ai écrit il y a peu, et qui apparaitra probablement dans le prochain Porantim, un journal sur l'actualité indigène, publié par le CIMI.


Espoir et Désespoir

Ce sont les deux mots qui expriment le mieux mes sentiments face à la découverte de la réalité indigène au Brésil. Avant d'arriver dans ce pays complexe, j'avais étudié un peu d'anthropologie, quelques mouvements indigènes ou proche du mouvement indigènes, comme le mouvement Zapatiste au Chiapas, les Mapuches au Chili, ou l'expérience de la CONAIE en Équateur... Naïve, je pensais qu'avec ces lectures et ces études, j'étais un peu mieux préparée pour cette expérience. Douce illusion de l'université...

Quand je suis entrée pour la première fois dans un village indien à Porto Alegre, j'ai du écarquillé les yeux de surprise. En montant le Morro do Osso (le morne/la colline de l'os), on voit défiler ses maisons, de deux ou trois étages, sa rue pavée, disparu en d'autres lieux par peur des barricades, ses jardins bien entretenus, et les piscines que l'on peut deviner derrière les villas...
Qui pourrait deviner ce qu'il y a au bout de la rue ? En réalité, un peu après la fin de la rue, quand celle-ci se transforme en terre battue. En quelques mètres, nous sommes dans un autres monde, dans un autre univers. Ici, il n'y a pas de piscine, ce fut difficile d'obtenir de l'eau potable. Ici, les enfants ne joue pas dans leur jardin, mais pied nus dans la poussière. La peau aussi est plus foncée que quelques mètres plus bas. Aux rues vides où chacun se protège derrière des barrières et des fils électriques, succède un endroit différent, un endroit nouveau pour moi, où toutes les maisons sont ouvertes, où les femmes prennent un maté devant les maisons en surveillant les enfants.

Les premières minutes, peut-être les premiers jours le visiteur se sent quelque peu mal-à-l'aise... Comment me perçoivent-ils, comment peuvent-ils me percevoir, si j'appartiens à l'autre monde, au monde des blancs, qui est aussi celui des oppresseurs, des latifundistes et de leurs hommes de main, le monde des conquistadores...
Mais rapidement, ils savent comment nous faire sentir à la maison. Un maté, un sourire, quelques jeux avec les enfants et quelques plaisanteries avec les femmes et ce sentiment de n'être pas à sa place s'en va !

Peu à peu, j'apprends cette réalité, je me confronte à elle en même temps que je me confronte à moi-même, à mes certitudes, à mes idées, à ma culture...

Souvent, la situation emplit le cœur d'un sentiment de désespoir profond. Parce qu'un génocide, en Europe, en Afrique ou en Amérique nous montre tous les jours comme l'homme est un loup pour l'homme, comme le racisme reste vivant comme au temps de Cabral et de Christophe Colomb, comme le monde continue à faire des tours et des tours s'en s'importer des peuples, des cultures et des langues qui s'éteignent peu à peu... Parce que dans beaucoup de pays, l'espoir de faire de l'argent continue à avoir plus de valeur que la promesse d'un monde multiculturel, où chaque peuple aurait la possibilité de s'autodéterminer, où les différentes cultures pourraient vivre ensemble, sans que l'une soit supérieur à toutes les autres. Parce que le capitalisme ne supporte qu'un modèle unique, auquel l'humanité entière doit se conformer, sans que n'aient d'importance les différences culturelles, sans que n'ait d'importance l'histoire et surtout sans que n'ai d'importance la justice. Un monde fait pour l'argent donc, pour l'accumulation de capital et pour le confort de quelques uns au prix de tous les autres...

Cela représente également un désespoir de voir la société et la culture de "l'abondance frugale" et du bien-vivre, être marginalisée dans son propre pays, sur ses propres terres. Souvent j'ai entendu que vivre simplement et dans la pauvreté faisait parti de la culture indigène.
Il fait sans doute parti de la culture indienne, de vivre uniquement avec l'essentiel, quand nous ne savons vivre qu'avec le superflu. Il fait parti de la culture indigène de ne pas gâcher, et de ne prendre à la nature que ce dont l'homme a besoin. Oui, c'est vrai, ils ont cette faculté de vivre simplement que nous avons perdu.
Mais ce n'est pas culturel et ce ne le sera jamais, de vivre sur le bord de la route pendant plus de 30 ans sous des bâches en plastique, ce n'est pas culturel d'être dans le besoin perpétuel, d'avoir des enfants avec le ventre enflé par la malnutrition, de vivre en attendant les "bolsa familia" ou les paniers de produits de première nécessité octroyés par le gouvernement...
Ce n'est pas culturel de vivre en dépendant du blanc.

Désespoir aussi la quantité de suicides, désespoir quand un peuple se laisse mourir ainsi, désespoir l'alcoolisme, désespoir les enfants sans école, désespoir les maladies, désespoir, désespoir, désespoir...

Face à ces drames quotidiens, il y a aussi les sourires, les regards brillants, et les rires d'un peuple qui malgré tous ces assauts continue debout, pas seulement physiquement, mais aussi culturellement, avec une culture qui est plus forte tous les jours. Une langue, un artisanat, des coutumes, des rites religieux, des chants et des danses qui essayent de survivre face à la pression de la culture dominante.

Espoir également, car la nouvelle société alternative dont nous parlent quelques intellectuels occidentaux existe depuis des milliers d'années. Espoir alors face au capitalisme dominant, la soif de profit et d'accumulation permanente. Un autre monde est possible. Et cela ne sert à rien de dire que c'est une vaine utopie, que l'on a déjà montré que le capitalisme était le plus fort, que lui-seul avait la capacité de produire et d'être efficace économiquement.
Maintenant vient la question, pour qui ?
Efficace pour les 10 000 enfants qui meurent de malnutrition tous les jours ? Efficace pour les chômeurs des pays développés ? Efficace pour qui ne peut plus faire autrement que de nourrir ses enfants aux OGM ? Efficace pour les paysans sans terre ? Efficace pour les enfants esclaves qui sont contraints de fabriquer les jouets des enfants du "premier monde" ? Efficace quand dans la plupart des pays du monde les malades riches payent leurs coûteux traitements, tandis que les malades pauvres meurent dans l'indifférence ?
Efficace pour qui, je ne sais pas. Certainement, pas efficace pour les peuples indigènes, les peuples indigènes du monde entier. Car ici comme ailleurs, un barrage hydroélectrique a plus de valeur que la préservation d'un mode de vie, exploiter le pétrole, le gaz ou le bois en Amérique, en Afrique ou en Asie est infiniment plus lucratif que de préserver une façon d'être et de vivre.

Il existe cet espoir d'une possibilité de vivre d'une autre façon, où le profit, l'accumulation de richesse ne soit pas l'unique raison de vivre. Les nouveaux intellectuels, qui parlent de décroissance, de bien-vivre, de frugalité volontaire, souvent d'une façon quelque peu arrogante, n'ont rien inventé. Il y a des peuples qui vivent ainsi depuis des siècles et des siècles. Qui vivent selon le principe "A chacun selon ces besoins", qui retirent de la terre ce dont ils ont besoin, ni plus ni moins, qui savent que les biens matériels, au lieu de libérer enchainent, et surtout qui depuis 500 ans de contact avec un modèle capitaliste, colonialiste et impérialiste conservent une économie alternative de réciprocité et de don, une conception du monde propre, et des traditions qu'ils arrivent à faire vivre dans les villages comme dans les campements au bord de la route.

En voyant cela, chacun se demande, n'aurait-je pas abandonné à leur place ? Abandonné ma façon d'être, pour m'intégrer, pour accéder aux droits élémentaires de chaque citoyen : un toit, une éducation pour mes enfants, un accès à la santé, et au delà de tout cela, le respect de la part de ceux qui ne sont autre que des colons. Et le spectateur est impressionné, n'importe qui s'approchant de cette réalité est stupéfait de voir que ce n'est pas ainsi. Que la dernière chose que ferait les peuples indigènes serait d'abandonner leur langue et leur culture.
Que tant que les peuples indigènes seront vivant, tant que les Guarani, les Kaingang, et tous les autres continueront à nous montrer une alternative, il existe un espoir pour notre humanité, pour notre terre, pour notre modèle social. Tant qu'ils seront vivant, ils nous montre qu'il est possible de vivre d'une autre façon, que dans la consommation compulsive, dans l'apparence et dans la superficialité. Tant qu'ils seront vivants, ils nous montrent qu'il est possible de vivre dans une humanité humaine.

11ème présidente latino-américaine

Voilà, le Brésil aura à partir de janvier une nouvelle présidente...
L'Amérique Latine a pourtant une grande réputation (qui n'est pas légendaire, je le précise) de grand machisme éternel ! Et pourtant... 11ème femme présidente de l'Amérique Latine ! Je rappelle qu'en Union Européenne, seulement 7 femmes ont accédé à ce poste (Même si des postes comme celui de A. Merkel sont tout autant prestigieux.).

Ce qui frappe en voyant les résultats, ce sont principalement les écarts géographiques. Alors que les régions sud et centre ont voté majoritairement pour le candidat de droite Serra, et ce dans tous les Etats (avec la petite exception du District Fédéral, mais qui n'est pas à proprement parler un Etat). Les régions Nord et Nordeste et Sudeste, ont voté très majoritairement pour Dilma à part l'exception de Espirito Santo, et plus étonnant de l'Acre et Roraima (mais où les populations les plus pauvres vivent dans des endroits non accessibles aux urnes !).

J'espère que Dilma sera meilleure de ce que je craint... C'est à dire une politique de croissance accélérée, à aller chercher avec les dents, comme dirait l'autre, avec des dégâts écologiques et sociaux énormes (Belo Monte...) d'une main, et de l'autre main des "bolsa familia" pour calmer un peu le jeu, se garder un appui populaire, quelque peu clientéliste et populiste... Bien sûr, c'est une politique qui a fait taire les demandes de réformes agraires et de véritables changements sociaux, qui a permis une éducation accrue dans certains États (quoique j'ai quelques exemples en tête d'écoles construites pour avoir droit à ces bourses, mais dans lesquelles il n'y a pas d'instituteur... ou pas de tableau...), mais qui, par cette redistribution extrêmement modérée (on parle de 45 euros par mois, dans sa version maximum) ne remet pas en cause la structure profondément inégalitaire du pays. Je le répète le Brésil est le 7 ème pays en terme de concentration de revenu, et le 6 ème en terme de concentration de terre. 60% de la terre appartient à 6% de la population, une oligarchie proche (pour ne pas dire parfois intime) du pouvoir, des médias, extrêmement corrompue, etc...
Il est donc à craindre que la politique de Lula, à savoir faire de petits gestes pour ne pas changer les grandes structures, inspirera celle de la prochaine présidente Dilma Rousseff...