dimanche 26 septembre 2010

Le Cimi et les indiens !

Je m'arme de courage pour vous écrire un petit mot du soir !
Depuis que je suis arrivé, vous avez été nombreux à me demander des précisions et des détails sur mon stage, le Cimi, ce que nous faisions, etc...
Alors il est grand temps pour moi de vous répondre dignement !

Un peu d'histoire... Le Cimi (Conselho Indigenista Missionário) est né pendant la dictature militaire. Le Brésil n'ayant pas échappé à la "règle" latino-américaine des années 70/80, "règle" encouragée implicitement ou explicitement par les US préférant une dictature militaire au risque d'un pays rouge à ses portes, mais ceci est une autre histoire ! Pour mémoire, la citation de Kennedy, pourtant plutôt démocrate (Jeu de mots du dimanche soir...) : " il y a trois possibilités, par ordre de préférence : un régime démocratique décent, la continuation du régime de Trujillo, ou un régime castriste. Nous devons ambitionner la première, mais nous ne pouvons pas renoncer à la seconde tant que nous ne sommes pas certains de pouvoir éviter la troisième ".
(Dualc, pourquoi me poursuis-tu ainsi ?)

Et pourquoi est-ce que je divague autant dans ce blog ?

Donc je continue : dictature militaire. C'est à ce moment-là qu'ont commencé à apparaître les mouvements indigénistes, car ils permettaient de concentrer un certain nombre de mécontentements sociaux en tout genre, et cela passait mieux que des mouvements contre la torture par exemple...
Ce thème a une résonance internationale, quand circulent des photos et des témoignages sur l'extermination des indiens ainsi que des cas de tortures en 1969. La croix-rouge internationale (spéciale casse-dédi pour Léa !!) a un rôle important dans l'enquête ! Les autorités chargées des indiens (La Funai, déjà à l'époque) sont dirigés par des militaires qui doivent veiller à ce que les indiens ne soient pas un frein au développement économique du pays (et ils continuent encore aujourd'hui à être perçu ainsi par beaucoup). Naissent alors les critiques sur les mouvements missionaires évangélistes, c'est aussi le moment de Vatican II, Mai 68 tout ça !
Donc en 1972, est crée le CIMI par des religieux et des laïques qui souhaitent travailler avec les indiens, mais cette fois pas pour les convertir, ni les intégrer dans la société nationale de gré ou de force, mais pour les inciter à lutter pour leurs droits (notamment avec la constitution de 1988, ils acquièrent le statut de citoyen lambda et ne sont plus considérés comme de grands mineurs qui ne votent pas -alors que le vote est obligatoire au Brésil !) ainsi que pour leur terre.
Ce point est important à mon sens. Le CIMI ne lutte pas pour les indiens, mais avec eux et surtout par eux. Nous sommes souvent les intermédiaires entre eux et les blancs, mais en n'agissant jamais à leur place, ce qui serait les renvoyer à cet ancien statut de mineurs.

Le Cimi est donc issu de la Théologie de la Libération et continue à avoir des liens avec l'Église catholique. Cependant au niveau local nous travaillons également avec le Comin qui est l'équivalent protestant !

Pourquoi la terre est la priorité number 1 ?

Car la terre est primordiale. Pour tous, dans un pays où sa concentration est l'une des plus forte au Monde, mais encore plus pour les indiens. Car leur façon d'être (teko en guarani) ne peut s'exprimer que dans le Tekoha, l'endroit de la façon d'être ! En effet, la terre sert à cultiver ce que l'on mange, à pêcher et à chasser, tout en la protégeant pour qu'elle continue à les nourrir (les terres indigènes sont beaucoup mieux conservées en terme de biodiversité que les parcs naturels). C'est là qu'ils trouvent leur nourriture donc, mais aussi la matière première de l'artisanat qu'ils vendent, de leur habitat... Et c'est aussi tellement important au regard de la relation qu'ils entretiennent avec la nature, qui est la base de toute la culture et religion. Les autorités publiques sont souvent surprises de la quantité de terre que les indiens demandent, souvent importante. Mais cette terre ne sert pas à produire une monoculture pour la vendre sur le marché international, mais à vivre en autonomie complète ou presque, et à permettre leur reproduction physique comme culturelle.

Concrètement notre travail consiste, pour ce que j'en ai vu, en trois points principaux :
  • visiter les "aldeias", que ce soit des terres démarquées, en cours de démarcation... ou des campements au bord de la route. Pour l'instant j'en ai visité 9 aldeias, 2 kaingangs et 7 guaranis. Bien sûr, je commence à bien connaître les aldeias les plus proches. Nous y allons spontanément ou car ils nous appellent pour tel ou tel problème... C'est l'occasion de vérifier si tout marche comme cela devrait : l'école fonctionne, le personnel de santé vient, l'électricité a été rétabli ... ? Bon, inutile de dire que beaucoup de réponses négatives ! C'est aussi l'occasion de faire de la traduction juridique, comme pour ce cacique qui se préoccupait de se voir expulser de ses terres avec tout son village (une douzaine de familles) pour y construire une prison... Et lui apprendre que malheureusement au vu du contrat signé 5 ans plus tôt pour ces terres, cela était parfaitement possible.
  • Participer et encourager les réunions entre indigènes. C'est aussi l'occasion de visites ! Par exemple cette semaine, nous sommes allé prévenir de nombreux caciques et leaders de la région (en accompagnant un des principaux leader de la région) d'une réunion importante dans deux semaines. Il s'agit, dans le cadre d'une restructuration de la Funai d'emmètre un certain nombre de demandes et de propositions. Nous avons également fait des réunions avec eux pour préparer les 400 ans des missions jésuites, évènement pour lequel un leader guarani est invité à parler. Nous l'avons donc aidé à élaboré son discours, leur culture étant bien évidemment beaucoup plus orale qu'écrite !
  • Enfin, il me semble que notre rôle est également très souvent de faire interface entre les deux sociétés et les deux cultures. Ce fut le cas dans une aldeia Kaingang quand nous avons accompagné deux journalistes qui voulaient faire un reportage... Les premiers contacts où nous étions intermédiaires se sont très bien passé, la suite a été catastrophique ! Ça a également été le cas cette semaine, qui fut très intéressante car nous avons accompagné deux guaranis (Xixi et Adreano) pour une audience avec le procureur et le juge du Tribunal Régional Fédéral (tribunal fédéral décentralisé). Ils venaient de l'État de Sta Catarina et les terres où ils vivent et qui sont en cours de démarcation, sont lorgné par un certain nombre de grandes entreprises (dont française...) pour des grands travaux, port industriel et voie ferrée ! Le juge de première instance, devant l'insistance de ces entreprises et des mairies, a donc interrompu la démarcation afin de permettre cela. Le recours au tribunal fédéral permettra donc de valider ou d'invalider cette décision. Et le lendemain, RDV au parquet avec les anthropologues responsables d'établir si leurs terres sont oui ou non d'usage traditionnel. Cela aurait été absolument passionnant si mon vocabulaire juridique portugais avait été un peu plus riche, mais ce fut tout de même une expérience très intéressante.
Comme Roberto est vice-président du Cimi, il est très souvent en déplacement à Brasilia et autre. Pendant ce temps-là, je fais un peu la même chose avec Evanir qui est du Comin (l'assoc' protestante) ou je lis la tonne de doc' que Roberto me fournit consciencieusement ! Mais dès octobre, quand je serais un peu plus à l'aise, j'irais passer des journées dans les aldeias les plus proches afin d'apprivoiser un peu mieux toute cette réalité !

Roberto qui nous lit l'historique de l'affaire de Santa Catarina, pour que nous soyons parés quand arrivera le procureur ! Comme dirait Thomas un gaucho barbu c'est logique !
Santiago en pleine concentration, qui écoute Roberto qui nous fait son speech. Mais la concentration n'empêche pas le chimarrão !

En attendant le procureur... Le stress intense et la digestion se lisent sur les visages !


Je vous souhaite une bonne semaine, que j'irais passer dans l'Etat du Parana pour une "assemblée" avec les membres du Cimi Sul ! Et oui, car malgré le fait que nous soyons en tout petit comité ici, nous sommes un peu plus de 200 dans tout le Brésil...
Alors à bientôt pour de nouvelles aventures !

2 commentaires:

  1. Clarita j'adore lire ton blog!
    J'ai l'impression de pouvoir un peu partager ta vie là bas, et surtout d'apprendre énormément de choses!
    Hâte d'en savoir plus et contente de voir que tout va bien! :)

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  2. Le stage de ouf.... c'est juste trop bien, profite, apprends, et continue a avoir le courage d'écrire des posts aussi long que ca, je sais pas comment tu fais pour trouver la motiv', mais excellent quoi. Merci.

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